Première rencontre

Neuri ouvrit difficilement les yeux. Depuis quelques semaines, elle avait du mal à récupérer son sommeil. Elle faisait cauchemar sur cauchemar, voyant tous les membres de sa meute se faire tuer par la meute de Sain… Quelle idée d’avoir voulu revenir à New York, le berceau de toutes les créatures magiques où les lycanthropes avaient tous pour Télèsto Sain, son pire ennemi. Avant de l’être, pourtant, il avait été son amant, son âme sœur mais tout cela n’avait été qu’un mensonge. Il avait joué avec les sentiments de la Calypso afin de venger son ancien mentor qui, à l’époque, était le chef des lycanthropes. Neuri avait toujours eu de l’ambition et bien qu’elle respectait beaucoup son Télèsto, elle avait décidé de le confronter pour monter en grade et devenir la chef des lycanthropes. Après un affrontement difficile, elle y était enfin parvenue, elle était devenue la Calypso et elle avait choisi Sain comme son Télèsto, sans savoir qu’il ne lui avait jamais pardonné ce qu’il appelait une trahison. Or, dans le monde lycanthrope, c’était de la sorte qu’on montait dans la hiérarchie, il fallait combattre…

Ce matin-là, plus que les autres, Neuri était inquiète de ce qu’elle avait fait, de ce qu’elle avait décidé. Comment pouvait-elle encore être régie par son ambition quand on voyait combien cela était futile et dangereux. Après tout, ces derniers siècles avaient permis à la brunette de se concentrer sur autre chose que sur ses ambitions ; de se préoccuper de ce qui valait vraiment le coup : les autres. Dès la naissance de sa fille, Malicia, Neuri avait su qu’il lui serait insupportable de la perdre tout comme elle ne supporterait plus de perdre un seul membre de sa meute. Alors, pourquoi avait-elle décidé de revenir à New York pour se battre et risquer la vie des personnes qui comptaient le plus pour elle. Ca n’avait aucun sens et à présent, elle ne pouvait plus faire marche arrière parce que le reste de la meute avait décidé de la suivre, elle avait demandé à ce que la meute soit à l’unanimité d’accord avec son idée. Ce qui avait été le cas et aujourd’hui, elle était dans une impasse, obligée de se battre et de perdre, peut-être, des membres de sa meute….

Alors, pour ne pas être rouillée sur le monde surnaturel, la brunette avait décidé d’aller se perdre à la bibliothèque de New York afin de trouver de la documentation sur l’organisation de la ville, sur la meute de Sain. Bien sûr, les créatures magiques étaient cachées et voulaient le rester mais cela ne les empêchait pas d’écrire des bouquins pour laisser leurs traces sous forme de bouquins autour du surnaturel. Pourquoi pensez-vous qu’il y avait une telle rumeur persistante sur ce monde magique, c’est parce que les créatures laissaient leurs traces. Bien sûr, c’était dangereux mais le CFA, le Centre Fédéral de l’Altermonde, veillait à ce que tout cela ne reste que des rumeurs, des propos de farfelus… Voilà comment, Neuri se retrouvait dans les rayons de la bibliothèque de New York, en plein milieu de la matinée. Il y avait un monde phénoménal, ce qui n’était pas étonnant puisque beaucoup d’étudiants venaient ici pour étudier et que cette bibliothèque était réputée. Alors que la brunette cherchait sa référence dans les rayons, elle se figea, sentant une odeur de louve… Il y avait quelqu’un dans les parages qui ne lui voudraient pas de bien. En tout cas, ce n’était pas l’odeur d’un de ses loups, elle connaissait leur odeur par cœur puisqu’ils avaient à peu près tous la même dans sa meute… Elle espérait que l’autre loup ne soit pas assez doué pour sentir l’odeur de Neuri parce qu’elle ne savait pas à qui elle avait à faire…

« Bonjour, vous avez besoin d’aide ? Vous cherchez un livre en particulier ? »

Lui demanda une jeune femme rousse alors que l’odeur devenait de plus en plus forte. Ne pouvant plus faire semblant de rien, Neuri se retourna doucement, prenant garde à ne pas faire un geste trop brusque. Il ne fallait pas créer une bagarre dans un lieu aussi public et elle ne pouvait avoir une conversation sur ce qu’elles étaient l’une l’autre…

« Bonjour ! Je cherche un bouquin sur les loups-garous ! Le titre de ma référence est « Les loups-garous de A à Z par Sain Thoth ! »

Oui, c’était bien le livre qu’avait écrit son propre ennemi. Neuri voulait voir la réaction de la jeune femme quand elle parlerait de Sain… Il fallait se la jouer fine pour ne pas montrer son jeu trop vite. Mais si la rousse connaissait Sain, elle connaîtrait certainement Neuri, celle-ci n’avait pas beaucoup changé depuis son exil de l’Altermonde…

« Vous pouvez m’aider ? »

Première rencontre

Neuri prit immédiatement une position de défense, sachant très bien que la créature en face d’elle – loup-garou ou métamorphe – pouvait s’avérer être une ennemie comme une alliée. Elle ne le savait pas encore mais elle ne voulait pas risquer quoique ce soit en faisant un pas vers la jeune femme sans connaître ses tendances. Après tout, New York était truffé de loups-garous de la meute de Sain et donc, des loups-garous plein d’animosité envers Neuri et sa meute. Evidemment, leur arrivée dans la ville de son ennemi n’allait pas rester secret bien longtemps, ils avaient un odorat surdéveloppé et ils finiraient par sentir l’odeur de la meute de Neuri. Même si les lycanthropes de bas niveau n’auraient pu dire à qui appartenait l’odeur, Sain, lui, reconnaitrait l’odeur de son ex-amante parmi toutes les autres. Tout comme Neuri reconnaissait l’odeur de Sain parmi toutes les autres. Et, ici, elle ne sentait pas son odeur à lui mais une odeur d’animal surnaturel et la brune savait qu’elle n’était pas humaine et connaissait le monde du surnaturel. Alors, la brune décida de la tester, ainsi, elle pourrait voir dans quel camp elle se trouvait… Pour cela, elle invoqua le nom du loup-garou, ce qui n’eut comme effet aucune conséquence sur la jeune femme en face d’elle. Mais, jusqu’à présent, la rousse n’avait eu aucune réaction étrange, comme si la conversation était normale…

« Très bien, je vois si je l’ai dans les rayons ! Je reviens ! »

Neuri sourit à la jeune femme.

« Merci ! »

Neuri commença à se calmer un peu, se rassurant mais quelque chose lui disait que la bibliothécaire pouvait jouer la comédie afin de la prendre en revers, de lui tendre un piège plus tard… La brune secoua la tête, elle se faisait trop de films, elle était parano. Il y avait de quoi puisqu’elle n’était pas la bienvenue à New York et ce, depuis des siècles. Pourtant, elle avait précipité sa chute et celle des siens, juste pour quoi ? Pour sa fierté ? Son ambition ? Neuri se disait de plus en plus que ce qu’elle avait décidé – avec l’accord de la meute – avait été une erreur et qu’ils auraient du continuer à vivre sans clé de Damoclès sur la tête. A présent, leur temps était compté avant qu’ils ne soient mis à découvert et que la guerre ne commence. Après un petit temps, la rousse revint auprès de la Calypso qui l’attendait, bien qu’elle se fiche complètement du livre qu’elle voulait trouver. Ce qui avait intéressé Neuri, c’était la réaction – qui avait été neutre – de son interlocutrice…  

« Le voilà, vous avez de la chance ! Il vient de rentrer ! C’est fou les conneries que les gens inventent sur les loups-garous ! Comment peuvent-ils croire qu’ils existent ? »

Ce qui était certain, c’est que la bibliothécaire essayait de noyer le terrain puisqu’il était clair que son interlocutrice connaissait le monde surnaturel et elle ne pouvait pas croire que celle-ci ne connaissait pas ou ne voulait pas croire aux loups-garous… A quoi jouait-elle ? Et pouvait-elle lui en vouloir quand elle-même lui avait tendu un petit piège ?

« Merci à vous ! Vous n’y croyez pas vous ? »

Lui demanda-t-elle avec un petit sourire, jaugeant sa réaction. Neuri savait qu’elle devait se la jouer fine mais elle n’en pouvait plus de jouer ce jeu de l’ignorance. Toutes les deux savaient qu’elles étaient l’une et l’autre autre chose qu’humain alors pourquoi jouer ce jeu. La brune se rapprocha de la rousse, s’assurant que personne ne les écoutait. Parce que si Neuri se moquait que la bibliothécaire sache ce qu’elle était – elle-même n’étant pas humaine – mais les humains devaient ignorer qui elles étaient. Elle murmura donc ces mots :

« Cessons ce petit jeu, voulez-vous ! J’ai senti que vous n’étiez pas humaine mais je n’arrive pas à savoir si vous êtes une lycanthrope ou un métamorphe ! Et ça me pose un problème pour savoir si vous êtes une menace ou pas pour moi ! »

Elle jouait carte sur table, en tout cas dans la mesure du possible, histoire qu’elle ne dévoile pas trop son identité. Il ne fallait pas que son interlocutrice sache qu’elle était la Calypso que les loups-garous recherchaient depuis quelques années maintenant, depuis qu’ils avaient découvert qu’elle n’était pas morte. Bizarrement, il leur fallu longtemps avant de découvrir la vérité, celle où Sain l’avait sauvée de la mort pour qu’elle puisse élever leur fille…